UTMB Mont-Blanc (Italie)

Mardi 23 août 2022


Il y a quelques mois, en regardant le peu de courses prévues sur le calendrier de la FFA pour la période des vacances d'été comme un peu tous les ans, mon regard s'est porté sur le mythique UTMB (Ultra Trail du Mont-Blanc). Par curiosité j'ai cliqué sur le lien qui m'a conduit sur le site officiel de la course. Je me suis vite rendu compte qu'une nouvelle course était inscrite au programme : l'ETC (Experience Trail Courmayeur), une course de 15 km avec 1300 mètres de D+. Et en plus quelques dossards étaient encore disponibles. Alors pourquoi ne pas mettre le pied à l'étrier de ce monument du trail qu'est l'UTMB en entrant par la petite porte et tous les ans gravir une marche en montant sur les courses de plus en plus longues, histoire de toutes les tester ? Banco !


Créé en 2003, l'UTMB a vu de plus en plus de courses s'ajouter à la semaine qui lui est dédiée, histoire de contenter tous les traileurs venus du Monde entier. Huit courses sont proposées :

==> 22 août à 8h00 : la PTL (La Petite Trotte à Léon)
---300 kilomètres, 25000 m D+
---la seule au programme courue en équipe de 2 ou 3 coureurs
---de Chamonix (France) à Chamonix (France)
---créée en 2008

==> 22 août à 10h00 : la MCC (Martigny-Combe Chamonix)
---40 kilomètres, 2300 m D+
---de Martigny-Combe (Suisse) à Chamonix (France)
---créée en 2018

==> 23 août à 0h00 : la TDS (Sur les Traces des Ducs de Savoie)
---145 kilomètres, 9100 m D+
---de Courmayeur (Italie) à Chamonix (France)
---créée en 2009

==> 23 août à 11h00 : la YCC (Youth Chamonix Courmayeur)
---15 kilomètres, 1000 m D+
---de Courmayeur (Italie) à Courmayeur (Italie)
---créée en 2016

==> 23 août à 14h00 : l'ETC (Experience Trail Courmayeur)
---15 kilomètres, 1300 m D+
---de Courmayeur (Italie) à Courmayeur (Italie)
---créée en 2022

==> 25 août à 8h15 : l'OCC (Orcières-Champex-Chamonix)
---56 kilomètres, 3500 m D+
---de Orsières (Suisse) à Chamonix (France)
---créée en 2014

==> 26 août à 9h00 : la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix)
---101 kilomètres, 6100 m D+
---de Courmayeur (Italie) à Chamonix (France)
---créée en 2006

==> 26 août à 18h00 : l'UTMB (Ultra Trail du Mont-Blanc)
---171 kilomètres, 10 000 m D+
---de Chamonix (France) à Chamonix (France)
---créée en 2003
---vainqueurs de renoms : Dawa Sherpa, Kilian Jornet, François D'Haene, Xavier Thévenard, Pau Capell chez les hommes et Krissy Moehl, Lizzy Hawker, Rory Bosio, Courtney Dauwalter chez les femmes.


Petite nouveauté pour nous aussi car nous allons effectuer deux jours de bénévolat sur l'UTMB : nous ferons partie de l'équipe "transports" la matinée du lundi 22 pendant deux heures et la journée du jeudi 25 pendant six heures trente. Une bonne expérience de partage ! Le lundi j'y rencontre même Delphine, une copine qui a pris la navette pour se rendre au départ de la MCC.




C'est lundi que nous avons notre créneau pour aller retirer nos dossards. C'est dans le gymnase de l'Ecole Nationale de Ski et d'Alpinisme (ENSA) que le secrétariat de la course est installé. On nous donne nos fameux sésames : le 14242 pour Julie et le 14486 pour moi. On nous offre également un beau tee-shirt technique de la course. Des bénévoles nous sensibilisent sur les bons gestes à avoir lors de la course aussi bien pour notre sécurité que pour le respect de la nature.



On profite d'être à Chamonix pour encourager les copains de la MCC :
- 109ème en 5h50'58''Augustin DE PREVILLE
- 182ème en 6h20'54'' Luca PAPI
- 526ème en 7h52'53'' Evelyne NEYROLLES
- 781ème en 9h13'46'' Delphine MAILLARD







Le fait que notre course débute à 14 heures permet de ne pas se lever trop tôt. Par contre c'est quand même une sacrée épreuve pour s'y rendre. Nous nous stationnons sur le parking de Carrefour Market afin de récupérer la navette qui attend les coureurs sur le parking du Grépon, voisin de celui où on est garés. Nous avions choisi celle de 11 heures et c'est tant mieux car la traversée du tunnel du Mont-Blanc est extrêmement longue, ça bouchonne énormément. Mais à priori c'est quasiment ainsi tous les jours. C'est une heure vingt après notre départ de Chamonix que le bus nous dépose sur le parking dédié à Courmayeur en Italie !







On a un peu de marche (mais pas trop) pour nous rendre vers la zone de départ et d'arrivée. Il fait très chaud. A l'ombre, le thermomètre oscille entre 32 et 33 degrés. Il n'est pas sûr car il hésite entre les deux mais peu importe, il fait très chaud ! Nous déposons nos sacs à la consigne, puis on va en dessous de la ligne d'arrivée pour encourager les jeunes qui terminent un à un la YCC.






Petites photos d'avant course, puis c'est le moment de nous glisser dans nos sas respectifs. Deux vagues sont prévues pour éviter des bouchons dans la très très longue montée avec un très fort dénivelé positif. C'est quand même assez impressionnant d'être derrière une ligne de départ avec une arche supportant le nom de UTMB !









La première vague (la mienne) est sous les ordres du starter. Nous sommes à l'intersection de la Via le Monte Bianco et de la Via Circonvallazione. Après le compte à rebours, nous partons tout droit dans la rue commerçante étroite Via Roma. Les bonnes odeurs des restaurants et l'effervescence des nombreux spectateurs nous mettent rapidement dans l'ambiance. Ce n'est pas parti très vite mais on ressent très rapidement la forte chaleur. On a l'impression d'être dans un four. Heureusement que cette rue est plutôt étroite car ses immeubles, même pourtant bas, offrent un peu d'ombre par moment. Changement de ruelle en tournant à gauche Via Donzelli. Pile au km 1, on quitte cette rue pour poursuivre encore sur notre gauche, Route Panoramique qui nous offre sa première grimpette (mais sur bitume pour le moment). Elle est rapidement digérée avant de tourner une énième fois à gauche Route de Verrand.




Une centaine de mètres plus loin qu'on tourne une dernière fois à gauche, mais là... c'est pas de la rigolade. Un mur de 2,7 km et un gain d'altitude de 750 mètres, le tout sur un chemin hyper étroit de montagne avec des pierres, des racines, des trous... Un véritable enfer. Surtout que j'ai de vives douleurs au tendon d'Achille droit depuis la fin de ma mission Tour de France, il y a moins d'un mois. C'est donc à la queue-leu-leu, courbés et les mains sur les cuisses qu'on progresse tous lentement. Certains s'aident de bâtons. J'en ai, mais après un test ça ne me convenait pas alors j'ai laissé ça à la maison. Les lacets dans cette longue et raide ascension se succèdent. C'est relativement calme, car peu de coureurs peuvent se permettre de parler. C'est donc au son des bâtons qui tapent sur les pierres et certains pas lourds que tout ce beau monde grimpe tant bien que mal. Et en parlant de mal... j'ai très mal. Je serre vraiment les dents, mais je progresse quand même. Lorsqu'on sort des sous-bois, je peux rapidement me rendre compte qu'on a sacrément gagné de l'altitude. Courmayeur paraît tout petit au creux de la vallée. Je m'arrête une première fois vers le km 3 pendant un peu plus de cinq minutes pour reprendre mon souffle, mais surtout pour soulager le tendon. Puis me revoilà en train de batailler afin de grimper toujours courbé vers l'avant et les mains sur les cuisses. A peine un kilomètre plus loin, j'aperçois un peu plus haut sur ma droite une sorte de promontoire et une fois à ce niveau, je m'y glisse en m'arrêtant pour ne pas gêner les coureurs qui me suivaient. J'ai mal, je suis au bout de ma vie tellement je compense pour ressentir moins cette douleur, je m'assois et dans ma tête, c'est l'abandon !




Une dizaine de minutes à rester ainsi, je laisse même un message sur mon Facebook pour prévenir les copains que j'en restais là, mais avant de ranger mon téléphone dans mon sac de trail, je décide de jeter un coup d'œil au site de la course et surtout sur son profil. Et je me rends compte qu'il n'y a plus qu'un kilomètre dans cette première ascension de fou. Du coup, je me relève, je range mon téléphone et je me glisse dans la file continue de traileurs qui grimpent, grimpent, grimpent. Comme les Shadocks qui pompent, pompent, pompent.



Ce n'est vraiment pas facile sur une jambe. On se rapproche des 2000 mètres d'altitude. Lorsqu'on arrive à un virage hyper serré sur la gauche, un magnifique panorama s'offre à nous. Encore une centaine de mètres de montée puis je cours enfin ! Mais il faut immédiatement se mettre en mode ''totale concentration'', car les pierres sont omniprésentes. Par contre ça permet de me refaire la cerise et surtout de commencer à gagner quelques places au classement. Je devais être très loin ! Je me fais peur lors de certains virages serrés qui donnent sur le précipice. Moi et mon vertige ! Le chemin étant très serré, je dois me ralentir, car je ne peux pas doubler. Passage entre quelques maisons de montagne au lieu-dit (si on peut appeler cet endroit ainsi) Tirecorne, puis un peu plus loin, on arrive au ravitaillement en liquides de La Suche. Je sors mon gobelet rétractable pour boire un verre de coca puis un autre d'eau. Il fait très chaud et avec la douleur du tendon, je ne me suis pas beaucoup hydraté. J'avais l'esprit ailleurs. Grâce à ma remontée, je suis classé 319ème pour le moment.




Je reprends ma course en profitant du profil plutôt descendant, mais c'est de courte durée, car se dresse devant moi un raide couloir qu'on va devoir remonter entièrement et en plein soleil. Dès les premiers mètres de la pente, impossible de courir, c'est trop raide. Beaucoup trop raide. Du coup, rebelote, les mains sur les cuisses et on essaye de se hisser le plus haut possible avec une pause d'environ cinq minutes pour essayer de calmer ce tendon d'Achille. Puis je reprends avec le mental en pensant au sommet, au sommet, au sommet. Une fois en haut, malgré le nombre important de places perdues à cause de ce nouvel arrêt, je me lance dans la descente alors qu'elle est relativement technique, à cause des très nombreuses pierres et de son étroitesse. Comme précédemment, je dois me freiner car impossible de doubler. Je commence à sentir des douleurs, peut-être des saignements, sur le haut de mes doigts de pieds. Puis ça s'élargit et c'est parti pour gagner des places !







Je dévale en récupérant de très nombreuses places et comme le chemin s'élargit, c'est plus facile pour doubler. Beaucoup de traileurs sont un peu en difficulté. Certainement à cause des gros efforts précédents. J'ai l'impression de m'être refait une santé ! Même mon tendon d'Achille semble me laisser tranquille. Au moins pour le moment en tout cas ! Je poursuis cette jolie descente tout en observant certains coureurs qui comment à avoir les jambes raides.







Nous nous retrouvons dans un endroit où le chemin est complètement recouvert d'une couche très épaisse de pierres. C'est beaucoup moins stable pour les appuis, mais en restant concentré ça passe bien pour moi. J'espère avoir récupéré une bonne partie des places perdues lors de ma dernière pause. Nous sommes à un peu plus de 1500 mètres d'altitude.






Une fois en bas, je profite d'une fontaine pour mettre ma tête dessous et boire un peu. Elle est hyper froide, ça fait beaucoup de bien. Je reprends en descendant un peu puis nous tournons à droite avec une montée pas trop difficile en sous-bois, suivie d'une descente à nouveau technique, mais super étroite. Je fais la course avec un autre traileur à une vitesse assez élevée en doublant pas mal de concurrents. Mais à un moment donné, il doit se stopper net... à cause de crampes au niveau des genoux. Les descentes sont relativement traumatisantes.





Traversée d'un petit pont puis on regrimpe sur une centaine de mètres avec des marches irrégulières qui nous permettent d'arriver au bas de Villair Damon au km 13, un petit village montagnard dont on traverse ses ruelles sous les applaudissements de quelques personnes présentes. Une fois sortis de cet endroit, nous nous retrouvons à nouveau sur un chemin de terre qui s'élève dans la forêt. Je croise un marcheur qui me dit que ça monte fort pendant 300 mètres puis c'est la descente jusqu'à l'arrivée. Mais en fait ces 300 mètres en font plus du double et après tout ce qu'on a fait auparavant, c'est la petite ''bosse'' qui fait déborder la fatigue. Je serpente sur cette montée en marchant (ce qui est le cas de tous les traileurs se trouvant à proximité). La déclivité commence enfin à s'inverser. Je sors des sous-bois tout en doublant deux concurrents. La descente s'effectue sur un chemin de cailloux, mais pile au km 14, je retrouve du bitume qui permet de poursuivre cette descente sur la Vecchia Strada Plan Gorret. Elle nous permet d'arriver sur une ruelle toujours descendante et en lacets très rapprochés où je double deux autres coureurs.


J'arrive au km 15 sur la Strada Grand Ru qui surplombe le parc où se trouve l'arrivée de la course. Un coureur se met à marcher juste devant moi. Je le motive pour qu'il reprenne, ce qu'il fait aussitôt. J'entre maintenant dans le Parco Bollino par le haut. Nous passons à proximité de l'arche d'arrivée, mais ça serait trop facile d'y passer dessous dès maintenant. Nous devons poursuivre tout droit avant de tourner à droite toujours en descendant ainsi qu'en empruntant quelques marches histoire de ne pas terminer aussi facilement que ça. Une vingtaine de mètres plus loin, virage serré sur la droite où je me trouve au pied de la montée finale. Courte, mais ça picote un peu en fin de parcours. Je reviens sur un coureur et on coupe la ligne d'arrivée pile au même moment. Même la puce de chronométrage n'est pas capable de nous départager. Je termine 308ème en 2h58'26''.




Je reçois une jolie médaille avant de faire quelques mètres puis de m'allonger rapidement dans l'herbe. Je ne me sens pas très bien, mais à force de rester allongé et de fermer les yeux, ça a l'air de passer. J'attends Julie une bonne vingtaine de minutes. Avec mes trois grosses pauses pendant la course, je pensais qu'elle aurait fini par me rattraper, mais non. Je la vois entrer dans le parc et une fois dans la montée finale, je me relève, la prends en photo et m'écroule au sol. Elle termine 447ème en 3h21'21.


Lorsqu'elle me rejoint après avoir reçu sa médaille, je lui dis que j'ai l'impression d'être déshydraté et que je me sens mal. Je me relève, mais j'ai juste le temps de m'isoler un peu pour vomir. Elle va trouver le médecin italien qui me dirige vers deux secouristes françaises, Eve et Alexia. Elles me font m'allonger à l'ombre et sont aux petits soins pour moi. Vu mon état de déshydratation (je ne m'étais pas trompé de diagnostic), elles me mettent sous perfusion sur place. Elles réussissent à me remettre sur pied. Je pense que j'avais tellement mal au tendon d'Achille surtout dans la première moitié de la course que je ne buvais pas assez et résultat... Pour prouver de la difficulté du parcours, les organisateurs ont repoussé durant la course, la barrière horaire de deux heures, passant de quatre à six heures pour boucler le tracé.


Pour résumer :
 une forte chaleur, 33 degrés au départ, des pentes moyennes à 30% sur certains kilomètres avec des pics encore bien plus élevés, un abandon qui n'était pas loin du tout après trois bons kilomètres de course et plus de 700 mètres de D+, mais en serrant les dents, j'ai poursuivi, malgré des arrêts de 10, 5 et 6 minutes (que de temps perdu). Une fin de parcours très compliquée, mais que j'ai faite tambour battant. Une attente pour l'arrivée de Julie afin qu'elle puisse être témoin... de mon malaise, de mon vomissement et de ma prise en charge par deux charmantes secouristes (je ferai plus de malaises à l'avenir !) qui m'ont perfusé car je souffrais d'une véritable déshydratation. Tout ça pour dire que c'était une course hyper dure, je n'ai jamais autant souffert avec un dossard pourtant, j'en ai fait des tonnes (677 courses), que j'ai terminée 308ème en 2h58'26'' et Julie 447ème en 3h21'21''. A noter les quelques abandons.




C'est sur mes deux jambes et bien requinqué que je descends le Parco Bollino avec Julie pour me rendre aux consignes afin de récupérer nos sacs et de me changer. Un peu de marche nous permet de rejoindre les bus qui vont ramener les coureurs en France une fois le tunnel du Mont-Blanc traversé.




Lorsqu'on arrive à Chamonix, on passe devant le parking du Grépon d'où nous étions partis ce matin. Mais la navette poursuit sa route et dépose les coureurs devant la patinoire... à 1,5 km de notre parking. Du coup, il nous reste un peu de marche afin de récupérer notre voiture. Ce n'est donc vraiment pas de notre faute, mais comme on a toujours dit : une course, un Mc'Do et que le plus grand des hasards nous fait passer à pied devant celui de Chamonix... du coup : une course, un Mc'Do !


Une bonne douche et zoup au lit !